Voyage à l’intérieur de soi
22 mars 2023. Début du printemps.
Je suis assise en silence, immobile. Je respire. Enfin j’essaye. Je crois que je suis ailleurs. Dans une autre vie. Celle ou j’aurais le droit de continuer dessiner mes rêves. Celle où je n’aurais pas été brisée par quelqu’un. Celle où je ne me sentirais pas en prison permanente. Si seule. Je suis assise en silence, immobile et je ferme les yeux. J’imagine les montagnes, mes montagnes ou les hauts plateaux kirghizes qui m’avaient tellement transportée, fascinée. Pourquoi ce pays. Pourquoi là-bas. L vert, le bleu, le blanc. Et puis les gens. L’espace si grand. J’y ai vécu le nomadisme à l’ancienne. La traversée des cols au rythme lent de ce que le corps peut faire. Je voulais y revenir dès que j’en suis partie. J’y reviendrai probablement. Pas comme j’ai envie. Avec un petit. Un petit pour qui le silence n’existe pas. Un petit où parfois, souvent même je cherche le bouton stop avant de m’en vouloir immédiatement. Il s’exprime. Il parle. Il rêve. Il imagine. Et il raconte. Je n’ai pas le droit.
Mais là, moi, je rêve de silence. Pour pouvoir m’entendre à nouveau. C’est si loin, si diffus, que je suis obligée d’avoir une confiance absolue en moi pour ne pas flancher, pour me dire que je continue de tracer cette route qui, quand j’aurais du silence… oui j’aimerais me dire que cette route que je traces dans le brouillard, la solitude, la violence et les pleurs, je pourrais en être fière. Parce qu’en ce moment, sur mon chemin, tout est compliqué. Probablement parce que le point d’arrivée n’est pas certain. A quel moment sait-on que son chemin de maman est arrivé là où il fallait ? Comment trouver encore des ressources sous la tente de la solitude pour affronter les kilomètres du lendemain et de la vie qui continue ?
Je suis assise en silence, immobile, comme à chaque début de ma pratique de yoga. Celle qui me permet pendant une heure et quart, de n’être plus là. Un corps parmi les corps, un souffle parmi les souffles, un alignement à l’intérieur de moi. Alors là, il n’y a plus rien d’autre que celle que je suis au coeur. Vaillante, résilliente, forte, connectée, engagée, apprenante, respectueuse. De mon corps, de ses limites, de l’enseignement. Un jour, j’enseignerai aussi le yoga. Je le sais. Un de mes professeurs a dit une fois, entrez dans votre classe de yoga comme si vous étiez professeurs. Ça m’a marquée. Parce qu’on apprend aussi en regardant les autres. L’humilité.
Je rêve du silence pour entendre les battements de mon coeur, de celui qui bat pour moi, pas pour la maman que je suis devenue par la force des choses. Je ne voulais pas être cette maman là. Et c’est un si long chemin pour l’accepter. Surtout quand personne autour ne peut comprendre, parce que personne ne le vit. Le plus effrayant parfois, c’est d’être consciente de tout ça. Comme une sorte de dédoublement, de dissociation. De là nait une envie de se battre pour toutes ces femmes, ces mères, et surtout les isolées. Alors l’effervescence revient, les pensées, les projets, les et si, les connexions. Je fonctionne en buisson, en racines qui se développent, en ramifications. Je suis peut-être un framboisier. Où chaque pied serait une partie de moi, avec à chaque été, des fruits à donner. Parce que donner, je n’ai jamais arrêté. À tous. Je ne peux pas m’en empêcher.
J’ai toujours su qui j’étais dans les joies, les aventures et même au plus bas. C’est elle là, qui me crie encore aujourd’hui, pour que j’entende même dans la tempête et que je ne baisse pas la tête. Que les petits cailloux que je continue de semer sont bien là. Pour que si je regarde en arrière ou si dans un moment de silence non-imaginaire, je puisse regarder avec tendresse cette femme qui se bat.