Sorcières de la nuit
Texte écrit en atelier LIBER : Sorcières de la nuit. Avec des femmes merveilleuses :) Parmi les consignes proposées, j’ai choisi celle qui faisait commencer mon texte par “J’ai été cette fille là”. Un texte écrit en 25 minutes, sans retouche.
J’ai été cette fille là, je le sais. Pas besoin de la chercher très loin, elle est là, elle attend. Sous la peau. Près du coeur. Dans les yeux. Oui elle arrive aussi. Celle qui rit de tout, celle qui danse, celle qui chante, celle se choisit parfois, celle qui rayonne aussi. Bref, celle qui vit.
J’ai été cette fille qu’on a moqué. Grande, gauche, rêveuse, ailleurs, dans la Lune ou en Egypte antique, danseuse et pianiste quand l’école me laissait tranquille, réfugiée dans les livres où le monde semblait plus tranquille. Avec juste du noir ou du blanc. Des gentils et des méchants. Des couleurs et des mots. Moquée pour ces lunettes que j’ai mis tant de temps à accepter, que j’ai même fait disparaitre dans des lentilles. Ou encore ce corps dont je ne savais trop que faire puisque de l’avis général, je n’étais ni belle ni dans les standards. Alors je l’ai caché la fille que j’étais. Je lui ai demandé de devenir transparente pour ne pas qu’on l’embête et de vivre ailleurs, dans l’art parallèle. Elle m’a tellement bien écoutée qu’au lieu de devenir invisible, elle s’est illuminée. La boule de feu à l’intérieur n’a fait que grandir et rayonner autour. La douceur, l’écoute, l’amour, la sincérité. Voilà ce qu’elle offrait au monde.
Et puis, j’ai été cette fille qu’on a envié aussi. En couple. Parfait semblait-il. Un amoureux amoureux, des aventures folles et extraordinaires, des amis, des soirées, des sorties, un mariage où tout le monde a pleuré. C’était trop beau, il parait. Il parait. Probablement le bon mot. Paraitre. Deux syllabes et un monde entier. Rien n’était vrai. Ou plutôt, une partie était fausse et je n’ai rien vu. J’ai été cette fille aveugle, aveuglée par les contes rêvés, nourrie de solitude, chercheuse d’aventures et pétillante dans l’attente. Mais attendre quoi ? Qui ? Lui ? Je me suis tant trompée. Enceinte, la chute est brutale. Le retour au réel fait mal. Tant de pourquoi qui resteront sans réponse.
Cette fille devenue femme et même femme de, est devenue maman. Et isolée. Et tout a dégringolé. Les murs, la transparence, l’apparence, et même l’intérieur. C’est le feu puissant de la mère qui s’est soulevé. Celui qui protège, réchauffe et survit. Celui qui s’est construit de beauté, nourri de musique, révolté de sincérité a tout bouleversé. Il n’était plus question de se taire non, juste de rayonner. Rayonner d’une force que même cette fille ne pouvait pas imaginer. Rayonner la douceur, rayonner la force, rayonner le courage, rayonner la peur, rayonner la danse, rayonner la vie. N’importe quelle tentative pour le remettre en boite est vouée à l’échec. Il est là, il ne fera que grandir. Parce qu’en se soulevant, le feu de la mère a rendu le pouvoir à la fille. Celle d’avant. Elle est là, vraiment pas loin. Vivante, puissante. D’ailleurs, si tu fermes les yeux, tu l’as probablement déjà vue danser.