[Saison.s] — Renaître

Gayané Adourian
3 min readMar 19, 2023

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Voici un texte écrit en 25 minutes lors d’un atelier d’écriture que j’ai l’immense joie d’animer et dont je suis tant honorée de recevoir les mots. Parmi toutes les consignes proposées, j’ai choisi de commencer mon texte par “Dans l’hiver, j’ai pansé, j’ai nourri, j’ai chéri. Je suis prête à sortir.” Et voilà ce qui est arrivé. Ecrit d’un trait, sans retouche ni relecture.

Dans l’hiver, j’ai pansé, j’ai nourri, j’ai chéri. Je suis prête à sortir. Presque. Il y a toujours une part de moi qui ne voudra pas. Une part de moi qui me dira “meuf, tu te prends pour qui là ? Tu vas quand même pas y aller ?” Maintenant, je l’appelle la part noire. Celle qui me retient, celle qui me raisonne, celle qui m’empêche aussi parce qu’elle a les yeux sur tout. Elle voit bien les risques, les difficultés, le poids. Elle est là et elle est là pour ça. Elle n’est pas négative non, je l’appelle la part noire parce qu’elle est ce que je ne suis pas. Unie. Sombre. Et parfois je ne l’écoute pas. C’est comme ça que je me suis réinscrite à l’école. Celle des fleuristes. Elle m’a crié pourtant toutes les difficultés, toute la logistique, tout ce à quoi je devrai faire face. Mais ce qu’elle ne savait pas c’était la manière dont j’avais envie d’être fleuriste. Moi non plus d’ailleurs, je ne suis pas sûre que je l’ai su à ce moment là. Mais je l’ai pas écoutée quand même. Et me voilà fleuriste aujourd’hui. Entre autre chose. Dans mon petit atelier. Mon travail est reconnu, je transmets, je vends, on me fait confiance aussi. Et quand je doute, quand la part noire se rappelle à moi face aux contraintes, je lui montre ce que j’ai déjà fait. Alors elle crie moins fort. Au fond, je crois qu’elle essaie juste de me protéger.

J’ai mis 4 ans à me reconstruire un petit univers professionnel. 4 ans depuis que j’ai dégringolé, 4 ans depuis que je suis devenue maman, 4 ans pour remonter la pente. J’ai cleané toutes mes dettes, payé toutes mes cotisations, candidaté pour un atelier et même s’il est imparfait, j’ai mis 4 ans pour revenir là où je devais être. Au milieu des gens, au milieu des projets, au milieu de la vie. 4 ans c’est long, surtout quand on est dedans. Surtout avec un nouveau né qui se change en petit garçon. 4 ans d’adaptations, d’ajustements permanents, de culpabilité et d’ambivalence. Je ne sais pas si c’est la fin de mon hiver mais alors qu’un nouveau printemps arrive, j’ai envie de vie. J’ai envie de sortir, de respirer, de recharger. Je l’ai dit déjà.

Déjà les idées de l’après se bousculent. Parce que malgré tout, elles n’ont presque jamais cessé. Je ne les ai pas toutes semées mais elles sont encore toutes là, dans une sorte de grainothèque que je pourrais ouvrir quand il sera temps. Plus ou moins rangée, plus ou moins formulée. Certaines attendent qu’il fasse un peu plus doux, d’autres sont prêtes à pousser. Je croyais que cette année permettrait de me stabiliser mais il faut croire que faire l’équilibre me semble plus attirant. Je rêve de repos et je ne me sens vivante seulement dans le mouvement. Comme si je devais me rappeler à chaque fois ce que j’étais, ce que je suis profondément. Comme si ce que je voulais lui transmettre, à lui si petit, c’est le mouvement. Peu importe la direction, peu importe la part noire. Celui qui te fait ressentir, celui qui te fait rougir, celui qui peut te faire peur aussi, celui qui te fait soulever des montagnes, celui qui simplement alimente ton feu, celui qui te fait grandir.

Oui quelque part, je suis prête à sortir. Hésitante pour toujours mais le pied assuré pour ne pas trembler.

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Gayané Adourian
Gayané Adourian

Written by Gayané Adourian

Maman solo écolo en reconstruction. Ecriture. Fleuriste. Doula.

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