[Saison.s] — À l’intérieur

Gayané Adourian
3 min readJan 12, 2023

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Voici un texte écrit en 25 minutes lors d’un des ateliers d’écriture ([Saison.s]) que j’ai l’immense joie d’animer et dont je suis tant honorée de recevoir les mots. Parmi toutes les consignes proposées, j’ai choisi de commencer mon texte par “Je voudrais tant sortir”. Et voilà ce qui est sorti. Ecrit d’un trait, sans retouche ni relecture.

Je voudrais tant sortir de cette prison. Je crois que c’est mon voeu le plus cher en ce moment. Sortir de ce carcan, de ce poids, de ces contraintes. Toutes ces contraintes. Je suis femme, mère, mère solo, précaire et j’ai peur. Pourtant je ne suis pas la plus mal lotie. J’ai de la famille. Mais j’en ai marre et je brûle de me retrouver sans savoir si un jour cela sera possible. Je sais bien que cela sera possible, au fond de moi. Mais je vois aussi combien c’est difficile.

Ce n’est pas la maternité qui m’a mise au cachot. C’est un homme. J’aime être maman, j’ai aimé porter, créer, savoir que je fabriquais un bébé en parallèle de tout ce que j’étais en train de faire. Je rêve de revivre cela un jour. Pourtant ma vie rêvée ce n’était pas de me débattre tous les jours, de me battre aussi pour créer un semblant de vie, de vie de femme. Oui je suis une femme aussi avant d’être mère. J’ai toujours ouvert ma gueule et mes mots. Je créais déjà et j’entreprenais. Et je les entends ceux qui pensent qu’il ne fallait pas avoir d’enfant. Enfin bon, je ne l’ai pas fait toute seule cet enfant.

À aucun moment, je n’ai vu l’enfant comme une charge, sinon oui, c’est sur qu’il n’aurait pas été là. L’enfant est une force mais je ne la vois plus. Je ne vois que mes soirées seules, ou les peurs que cela représente. S’engager avec une mère solo, ça veut aussi dire s’engager avec son histoire à elle. Et c’est sans doute plus présent parce que le produit de cette histoire est là. Mais depuis longtemps je milite pour le contexte. Celui qui fait qu’une personne est ce qu’elle est aujourd’hui mais qui ne dit pas ce qu’elle sera demain. Alors finalement enfant ou pas, on s’en fout.

Et la femme en moi est frustrée. Frustrée de devoir se taire, de ne pas avoir toutes les capacités pour gravir les montagnes qu’elle souhaite franchir, d’avoir cet sorte de “handicap” collé à mon front. Je suis une mère solo. A temps plein. Cette frustration je n’ai pas le choix que de l’embrasser maintenant. Elle a pris une place dans le bus de mes émotions. Je m’en sers pour vivre chaque moment de liberté, chaque instant de joie, ou d’espoir, pleinement. Alors je vis. Moi qui déjà étais entière, je vis. Les moments hauts sont hauts. Les moments bas sont bas. Très bas.

Je les traverse comme on traverse le chaos. Avec pour seule boussole, mon propre ancrage, la conscience de qui je suis. De toutes les contraintes autour de moi et de la magie que je suis capable de créer. Créer encore. Et tordre les contraintes comme on tord les barreaux. Tordre le temps et lui voler des instants. Tordre encore l’espace pour l’agrandir et ouvrir les possibles. Est-ce que je m’illusionne, je ne sais pas. Malgré ma prison, je rayonne parce que je ne sais faire autrement. Et à force de tordre tout cela, si personne ne m’entends d’ici là, je me dis que quelque chose finira bien pas se casser. Alors enfin, je pourrais sortir.

Je n’attends pas le sauveur, je sais bien qu’il n’existe pas. J’enrage de ne pas cheminer à côté d’autres humains. Alors, le plus possible, je les fais venir à moi, près de moi, chez moi. Je me nourris parfois de leur force, de leur feu, de leur lueur, de leur danse aussi. Et j’apprends. Mais là où j’apprends le plus, c’est bien de la danse des femmes. Celles qui se tiennent la main. Celles qui se guident. Celles qui puissantes, tordent les conventions pour créer une autre pensée, une autre parole, une autre vérité. Oui j’ai hâte de sortir pour partager à mon tour ce qu’elle m’ont donné.

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Gayané Adourian
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Written by Gayané Adourian

Maman solo écolo en reconstruction. Ecriture. Fleuriste. Doula.

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