LIBER — Nos Mémoires

Gayané Adourian
4 min readMay 23, 2023

Deuxième session d’un cycle d’ateliers d’écriture consacré à nos mémoires avec Alice. J’ai pris la consigne d’un texte qui aurait pour sujet “Est-ce que je suis heureuse ?” que j’ai traité en mode écriture automatique. Écrit en 25 minutes, comme d’habitude sans retouche.

Est-ce que je suis heureuse ? C’est drôle cette question, elle était en sous marin ce week-end. C’est vrai ça, est-ce qu’on peut être là où on n’a pas envie d’être et heureuse ? Est-ce qu’on peut être en apnée depuis 4 ans et heureuse ? Mère abandonnée ahah la plus grande apnée de toute ma vie. Ils ressentent quoi d’ailleurs, les plongeurs, quand il descendent au fond de l’eau tranquillement. De l’excitation, du stress, du calme, du bonheur. Je ne sais pas je ne suis jamais descendue. Pas dans la mer en tous cas. Par contre la descente sociale, amicale, financière, et même la descente dans ma propre estime, je connais. Pourtant c’est marrant, j’ai toujours été une fille qui monte moi. Les sommets, les chemins, les GR, j’en ai parcouru des kilomètres de montée, jusqu’à 4 000m d’altitude pour l’instant. Escalade arrêtée net. Oui je grimpais pour mille raisons. Je crois là, sur ces chemins, j’étais heureuse. Peu d’objet, un peu de nourriture, un corps qui me porte et du temps. Du silence. De l’émerveillement.

Alors aujourd’hui, c’est où tout ça ? Je ne sais pas trop si je suis heureuse. Définir la moyenne d’un état émotionnel, ce n’est pas simple. Je passe souvent par toutes les couleurs de l’arc en ciel des émotions, celui que j’aime bien aussi appeler le roller-coaster des émotions. Par contre, je sais que je suis bien en ce moment. Je sais qui je suis. Je sais ce qui m’anime et surtout, je suis déter. J’aime retrouver ça, cet état là. C’est déjà être heureuse tu crois ?

Il y a quelques semaines, j’en parlais à un ami cher à mon coeur. Je lui ai dit vraiment : “tu sais, là je suis en mode unstoppable. Je ne me laisserai pas faire. Sur rien.” Il a rit. Mais pas un rire pour se moquer non, il a rit parce qu’il a vu, qu’il me connait bien et qu’il savait ce que ça veut dire aussi. Tiens ça me rappelle que je lui ai dit merci d’ailleurs, il n’y a pas très longtemps. Parce qu’il est là lui. De façon un peu inattendue. Surtout parce qu’il a fait ce que personne n’avait fait pour moi en 4 ans. Et aussi parce qu’il n’a pas peur de moi, de me parler. Et c’est si précieux. Il a une part dans ce mood que je retrouve là.

Je crois quand même qu’il me manque plusieurs choses pour être capable de dire que je suis heureuse. Être heureuse et dire qu’on l’est c’est pas pareil si ? Tiens, la sécurité, ça, ça me manque. 4 ans d’insécurité c’est long, ça retourne le cerveau. Et il faut de l’énergie pour garder chaque jour, pierre après pierre, brique après brique, brindilles après brindilles, fleurs après fleurs, un espace libre dans lequel on peut se laisser aller. Libre, liberté ? J’en ai fait mon deuil je crois, de celle là, celle que j’ai connue en tous cas. Elle sera là dans la nostalgie mais moi là en tous cas, je suis dans une phase plus apaisée. Je créé mes espaces libres, je les remplis, je les vis. S’ils me suffisent, je ne suis pas sûre mais ils sont là. Ils viennent de moi. Sont moi. Finalement ils me disent de tenir bon. J’en ai déjà un peu plus qu’avant.

Etre heureuse c’est peut-être impermanent aussi. Je le sais, je le sens, j’ai de grand moments où je me sens heureuse. Y a ce truc qui vibre et qui a envie de sortir. Qui est toujours là. Et si je tire le fil, je crois que c’est parce que malgré tout tout tout, je suis restée en moyenne celle que j’aime être. Droite, sincère, bienveillante, attentive, douce, à l’écoute, faisante. Oui ça ne se dit pas. Il y a eu ces moments où je ne me reconnaissais plus, ceux où j’ai vraiment eu peur de disparaitre de moi-même. Mais je dois avoir une bonne boussole intérieure. Celle qui me dit quand je suis dans le noir, ou que j’ai les yeux fermés “eh meuf le nord c’est par là, c’est la que tu dois aller, crois moi”. Peut-être que c’est cette boussole qui me rend heureuse. La petite aiguille qui me dit que j’ai raison de faire ce que je suis en train de faire. Celle qui ne faillit pas parce qu’elle se retrouve toujours, même quand parfois j’ai du mal à la repérer. Oui, j’ai de la chance de l’avoir elle. Comme j’ai de la chance de l’avoir lui. Tiens, encore lui.

Un jour j’irai remarcher dans les montagnes je le sais. Peut-être en Corse encore. Toute seule ou accompagnée. Ce jour là je sentirai le vent dans mes cheveux, le soleil caresser ma peau, le sac peser sur mes épaules et je me dirai peut-être encore, je suis heureuse. Je suis arrivée là et rien que ça, c’est déjà fou.

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Gayané Adourian

Maman solo écolo en reconstruction. Ecriture. Fleuriste. Doula.