“Nos mémoires” — cycle LIBER

Gayané Adourian
4 min readFeb 13, 2024

Un texte écrit en atelier LIBER. Celui où on se penche sur notre rapport à l’écriture et au temps. Écrit en 25 minutes, comme d’habitude je le livre ici, sans retouche. Pour cette fois j’ai pris la simple consigne d’écrire à son journal, en écriture automatique.

29 janvier 2024. Cette année, je n’ai pas fait de bilan de l’année qui s’est écoulée. 2023 tu m’as roulée dessus. Voilà. Tu crois toujours que ça va s’appaiser, que l’année qui arrive sera un peu plus douce et puis bam, bam, bam. En fait, tu te retournes et tu te rends compte que tu as sacrément pris cher. Toute façon j’ai dit moi que mon année 2024 elle ne commencerait qu’à la fin de mois de février. Oui après tout, pourquoi on décide que le début d’année doit être le même pour tout le monde ? Comme si on avait tous le même rythme, les mêmes épreuves. Travaille, travaille, travaille. Prends tes vacances en été, supporte la fin d’année et au premier janvier, prends tes nouvelles résolutions. Et boum. Voilà.

Pourquoi l’année ne commencerait pas avec le premier jour du printemps ? C’est vrai ça, c’est le moment où tout renaît, où le temps aussi se radoucit aussi. Ah ça y est, je vagabonde, je digresse. Non. J’ai décidé que ça serait fin février pour moi parce qu’à cette date, le juge aura tranché. Est-ce que je serai enfin libre ? Ou pas. Est-ce que j’aurais le droit de voyager comme je veux, ou est-ce que je continuerai de supporter sa domination. Sans rien pouvoir dire. Parce qu’au milieu il y a un enfant. Je m’en remets toujours pas tu sais. On peut dire ce qu’on veut. Mais c’est pas humain. Pourquoi faire un enfant, se barrer très très loin juste avant sa naissance mais le reconnaitre quand même, ne jamais s’en occuper mais avoir tous les droits. Les mêmes que moi.

Ouais 2023 c’était ça aussi. L’année où j’ai du batailler pour faire opérer mon petit garçon. L’année où il m’a empeché d’aller voir mon frère aux Etats-Unis parce que soit disant à cause de ce que je demande avec le divorce, il estime être en droit de nous empêcher de sortir du territoire. Tu y crois toi ? On sait bien comment ça s’appelle ça. Et je l’ai pas fait tu sais. J’ai eu peur des représailles. Parce que le temps de la justice est un temps que je ne comprends pas et que presque 4 ans plus tard, je suis toujours liée à cette personne qui n’a jamais voulu “mon bien”.

2023 c’était l’année de la bataille parce que j’ai pas voulu me laisser faire. Ce n’est pas en étant à 400 kilomètres qu’il a son mot à dire et pourtant, aux yeux de la loi, et même aussi de la société, il a son mot à dire. Ça m’a bien pourri la vie tu sais. Parce que ça marche peut-être avec des personnes bienveillantes même si j’ai un gros doute. Mais ça ne marche pas du tout avec celle qui ne le sont pas. Je n’ai pas voulu me laisser faire et paf, empêchée d’aller aux Etats-Unis.

2023 j’avais dit ‘“laisse moi tranquille”. Purée j’ai 37 ans et ce sentiment de perdre des années de vie enfermée, je n’en veux plus. Je lutte tellement tu sais. Je créé tous les espaces que je peux, tous les sourires, tout l’optimisme que je peux, tous les liens. Mais je ne suis ni Titan, ni une superhéroïne. Dans la nuit de mon canapé. J’ai craqué cet été. Personne n’a rien vu. Et pourtant. Sur le fil depuis trop longtemps, c’est le burn out qui m’a rattrapée. J’ai laissé tomber des clients, des choses que j’aimais aussi, j’ai laissé ma vie partir à vaux l’eau. L’énergie s’est en allée, je me suis retrouvée isolée, et moi, incapable de ne rien faire, je suis devenue un fantome. À perdre la mémoire. A ne pas savoir ce que j’avais fait quelques heures plutôt. À être juste là parfois, un peu hébétée. Je ne sais pas si ca va mieux. Je suis encore fatiguée. La seule force que j’avais, je l’ai donnée. À toi le petit gars à côté de moi qui grandit si bien. Mais ça c’est parce qu’on l’attendait de moi. À toi aussi l’ami qui avait besoin. Parce que tu étais un des seuls un peu là pour moi. Mais dans tout ça, je me suis oubliée je crois.

2023 tu m’as roulée dessus mais t’as été aidée. Quelqu’un avait bien préparé le terrain. Toute façon t’a mal finie. On n’envoit pas de la tristesse aux gens le 31, comme tu l’as fait là. A ceux que j’aime en plus. Tous les «bonne année» sonnent creux après. Mais je te le dis moi, 2023 t’as pas gagné. Je suis encore là, vivante. J’ai un petit soleil qui brille de plus en plus fort. J’ai été amoureuse, et je crois surtout, que je suis toujours moi. Quelque part un peu cachée, mais toujours là. Tant pis pour les clients, tant pis pour la honte, j’avais pas le choix. Il fallait que je me sauve moi.

Franchement, 2024 tu commences mal, mais moi, j’attends le printemps.

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Gayané Adourian

Maman solo écolo en reconstruction. Ecriture. Fleuriste. Doula.