Le silence et le cri

Gayané Adourian
3 min readMay 20, 2022

Voici le texte que j’ai écrit pendant l’atelier d’écriture : Le silence et le cri. Merci Alice d’avoir porté cet espace. Je ne savais ce que j’allais y écrire. J’ai choisi d’écrire à partir de la phrase “J’écris et je crie.” Et les mots sont arrivés. Et les retours des participantes m’ont beaucoup émue. Alors je vous le livre à vous aussi. Sans retouche.

J’écris et je crie. J’écris depuis que je suis toute petite. Mes carnets à cadenas d’abord, puis les autres, peuvent en témoigner. J’écris parce que, parfois, les mots viennent plus facilement depuis mes mains. J’écris pour dire, pour aimer, pour me souvenir, pour projeter. Ce n’est même plus un exercice, c’est mon quotidien. Je n’écris pas pour plaire, ni par convention. C’est de moi que je mets dans ce papier, qu’il soit virtuel ou non. Mon temps, mon énergie, mon être. Entier et sincère. J’écris parce que lorsque les mots arrivent, ils sont beaux. Ils sont beaux juste parce qu’ils sont là. Une pensée matérialisée. Claire, formulée, instantanée. J’écris des lettres d’amour, des lettres à mon bébé, cette lettre à “tous les Thomas” pour ceux qui comme toi, n’ont pas de contraintes mais n’agissent pas.

Et puis j’écris aussi la souffrance, la solitude. Celle de la mère mais aussi celle de la femme abandonnée. Ce n’est pas pour me plaindre. Je crois juste qu’il faut le dire quelque part. Pour que cela soit se sache. Combien des mamans comme moi ? Abandonnée à leur naissance en plus de celle de leur enfant ? Combien si isolées parce qu’être mère, c’est heureux, quelles qu’en soit les circonstance ? Combien si désemparées par les pleurs de leur petit qu’elles n’arrivent pas à calmer, quand elles-même rêvent de silence ? Combien oui combien ? Oui, j’ai vu mes écrits se transformer en cris. En cri parce que la société qui nous hébergent ne sait pas prendre soin de nous. En cri parce que les hommes sous prétexte de gouverner, se moquent bien de nos droits oui mais aussi de nos émotions et même de nos libertés.

Je crie oui pour toutes les mamans solos, laissées de côté, qui se débattent comme elles peuvent dans un monde qui ne les compte pas. Pire. Qui ne les voit pas. Je crie pour celles à qui on reprochera toujours quelque chose. De trop travailler, de ne pas assez travailler. D’être aliénante, de ne pas se préoccuper de son enfant. De prendre du temps pour elle, de ne pas prendre ce temps. Je crie et j’écris cette incompréhension et ce manque de considération. Combien d’années de sacrifices faudra-t-il pour qu’une femme existe ? En étant mère, en étant tout le reste. Alors j’écris pour toutes celles qu’on veut silencier. C’est si facile d’intimider une jeune mère qui a tant à faire, à penser, à construire et à découvrir. Et c’est dans ce silence qu’on veut nous imposer, que mon stylo devient une arme.

Si les mots coulent à flots, si les mots sont publics, si les mots font écho, si nos cris silencieux deviennent de plus en plus forts, ils seront la vague qu’on ne peut plus cacher. Considérez-nous. Considérez que donner naissance est une période où tout est bouleversé. Que l’individualisme n’a pas sa place dans ces mois et qu’à la place vous construisez chaque brique de ce village dont tout le monde aura besoin une fois que deux nouveaux êtres seront nés : une mère et son enfant.

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Gayané Adourian

Maman solo écolo en reconstruction. Ecriture. Fleuriste. Doula.