Il faut que tu avances

Un texte écrit pendant 15 minutes d’écriture collective, un jour de grève. Encore. Et un peu de colère oui. Encore. 16 février 2023.

Il faut que tu “avances”. C’est l’une des premières phrases qu’on m’a dites passé le choc. Je l’ai entendu si régulièrement ensuite. Pas un seul n’y a échappé je crois. Comme si c’était la priorité.

Il faut que tu avances. Move on. Passe à autre chose. Comme si c’était évident, facile, peu couteux. Comme si tomber et rester au sol, hébétée, saignant tout ce qu’on peut n’était pas permis. Parallèle avec les petits enfants qui tombent à qui on s’empresse de leur dire que ce n’est rien.

Non. Ce n’est pas rien. Non ça peut faire mal. Ça fait même peut-être mal. Très mal. Prend le temps. “De quoi as-tu besoin ?” “Comment je peux t’aider ?” “Laisse moi faire ça pour toi.” Et répéter. Le temps qu’il faudra. Bien plus doux et à l’écoute. Parce que tu n’es pas qu’un vulgaire corps. Et même les corps ne sont pas vulgaires.

Il faut que tu avances. Avancer vers quoi ? On va où quand tout est écroulé ? 4 ans plus tard, j’entends autre chose aussi dans ce “avancer”. J’entends le poids de nos normes. Celui qui t’oblige à retourner travailler quand tu n’as aucune énergie. Celui qui te montre partout que c’est mieux d’être en couple, de préférence hétéro. Celui qui n’écoute pas les mères qui viennent de naître. Celui qui n’écoute pas les corps, les cycles, les rythmes. Celui qui n’écoute pas non plus la fatigue, l’arrêt, le temps pour se remettre. Vite. Tout doit aller vite. Et de la même manière pour tous.

On avance vers quoi quand tout s’est écroulé ? On n’est pas obligé d’avancer. Pas tout de suite. On prend le temps. On guérit. Et peu importe le temps que ça prend. Guérir d’abord, pour pouvoir sortir des décombres et peut-être prendre un nouveau chemin. Ou s’installer au bord. Le temps qu’il faudra, encore.

Certains deuils sont parfois longs, chacun a son temps propre. Donner une date même lointaine n’a pas de sens si ce n’est qu’elle mettra un attendu. Eh oui, on a besoin de ta productivité, que tu rentres à nouveau dans le cadre. Travail, maison, famille, loisirs, épanouissement personnel. Alors avance. Et vite s’il te plait, qu’on passe à autre chose, qu’on puisse dire que tu as surmonté ça.

Mais toi là dedans ? Tu as besoin de quoi ?

Prends soin de toi.