Atelier — Lutter comme on écrit

Gayané Adourian
3 min readApr 23, 2023

Un texte écrit en atelier d’écriture «Un mot après l´autre». J’ai pris la consigne d’écrire une lettre à celle avec qui/pour qui on lutte. Elle peut aussi s’adresser à toi, et à toi aussi, sans genre. Merci à Sarah et à toutes les personnes qui ont accueilli ce texte. <3

Chère toi,

Je sais que c’est difficile, je sais que c’est long, je sais que tu en chies, que tu enrages intérieurement, que tu te tais. Parce que tu n’as pas le droit de tout dire. Parce que tu n’as pas la force. Parce que tu as peur, parce que ce n’est ni inimaginable ni décent. Et pour tant d’autres raisons. Je le sais. Je les sais. Je te sais. Je te crois.

Je veux te dire aujourd’hui que je te vois. De loin, de près. De haut et de tout côté. Tu es belle. Tu te bats et tu ne le vois peut-être pas mais tu fais des miracles autour de toi. Je te vois depuis ces 4 ans e même avant. J’ai la chance de t’accompagner, femme formidable que tu es. Je te vois chaque jour te relever, après les pleurs, la nuit, la lassitude. Je te vois donner, puiser, éclairer, partager. Je te vois bosser comme une folle pour joindre les deux bouts, passer du temps avec ton enfant et tenter d’en prendre un peu pour toi. Je te vois comme tu es. Dans tes failles, tes peurs, tes faiblesses, ton courage et aussi ton amour. Celui que tu donnes, que tu te donnes, celui qui rayonne, celui qui touche et transforme. Je te le dis, tu es une fée. Malgré tout ce qui se passe autour de toi, tu restes si droite, apprenante et bienveillante

Moi qui t’accompagne chaque jour dans cette lutte inhumaine pour te retrouver toi dans ce chaos, ce maëlstrom dans lequel tu as été projetée sans avertissement. Tu traces ta route comme si tu la connaissais déjà et tu emportes tout, tous et toutes avec toi. Celle.ux qui t’approchent et qui le veulent en tous cas. Ta façon de lutter à toi c’est de grandir, c’est de donner au monde ce que tu sais faire et c’est beau. Il y a tant de sujets qui se croisent dans ton combat. Maternité, féminisme, éducation, précarité, climat. Pourquoi tout ça ? Pourquoi tout prendre comme tu le fais, à bras le corps, à bras le coeur ?

Je sais que tu me répondrai, qu’au fond, il n’y a qu’un seul sujet, celui de l’amour et celui du respect. Et que profondément, c’est cela qui t’anime. Que tout est lié et que l’injustice que tu subis, comme d’autres, elle vient d’un système qui certes à peut-être fait ses preuves à un moment, mais qui montre aussi aujourd’hui que tout s’est emballé et qu’il faut transformer profondément nos modes de fonctionnement, de communication et notre rapport des uns envers les autres. Je sais que c’est en partie pour cela que tu es retournée sur le pavé. Je sais qu’il n’y a qu’un pas, une allumette, avant que tu ne retournes dans les grands rassemblement, dans cette lutte parfois festive, toujours engagée, dans cette communion aussi de gens qui pensent un peu comme toi.

Alors même si tu as laissé ta colère dans la vie réelle de côté, parce qu’être en colère ne te ressemble pas, tu as pleuré, tu pleures encore, parce que c’est cela te ressemble, que tes larmes irriguent plutôt qu’elles ne rongent et qu’elle permettent de déverser les flots de mots comme des graines qui poussent et qui donneront d’autres graines, arbres, fleurs, beauté. Fleurir tes mots, c’est laisser la place à ta manière de lutter. Montrer simplement, à ta manière que tu es et reste libre, quoi que tu dises.

Je suis si admirative et ici je veux te le dire, ta plus grande liberté, c’est toi. Continues de lutter, le monde à besoin de ta lumière, de tes larmes, de ton rire et ta sensibilité. De ton amour pour les autres et ton émerveillement de chaque jour. Un jour il te lira, un jour il saura. Et je te le promets, il continuera.

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Gayané Adourian

Maman solo écolo en reconstruction. Ecriture. Fleuriste. Doula.